Le « Coin de Herve » s’écrivait jadis « coir » ou « cour de Herve » : c’est la traduction du mot latin « cornu », c’est-à-dire corne, extrémité. Le « Coin de Herve » est donc l’extrémité de la Ville de Herve et l’ancien nom de l’actuelle rue Jardon. Les versions de deux historiens s’entrecroisent quant à son origine. Pour l’abbé Demollin, le nom viendrait d’Isabelle et Charles Jardon qui, en 1870, ont fondé une bourse d’études en faveur de « l’instruction chrétienne des filles pauvres de la Ville de Herve ». L’abbé Dechaineux, quant à lui, renvoie à Nicolas Jardon, conseiller de commerce et juge aux droits d’entrée et de sortie de sa majesté l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Un historien contemporain signale enfin qu’Isabelle et Charles seraient deux des sept enfants de Nicolas…Jadis, le 6 novembre, à la saint Léonard, se tenait dans cette rue, depuis l’hôtel de ville jusqu’à l’établissement de la Miséricorde aujourd’hui démoli, une immense foire aux bestiaux où se succédaient de grasses vaches attelées face à face et des centaines de loges d’où sortait le grognement des porcs. Quelques chevaux terminaient la collection des animaux mis en vente à cette occasion.Maison n° 86 : Cette demeure, dans sa partie ancienne, est entièrement appareillée en calcaire. La façade date du début du 18ème siècle et est constituée de deux niveaux et de quatre travées, rehaussée d’untroisième niveau plus tardif en briques. Précédée d’un perron de cinq marches bordées d’un côté d’un muret d’échiffre, se dessine une porte à linteau droit surmontée d’une baie d’imposte. Contre celle-ci est placée une curieuse niche cintrée surmontée d’un larmier, renfermant un buste de saint en bois vêtu d’un habit monacal et tenant un globe terrestre surmonté d’une croix, personnage très connu dans la région sous le nom de « Père Eternel ». Ce personnagesuscite la surprise chez les passants par sa mine étonnante : deux yeux égarés sortant des orbites, le front plissé, les cheveux disposés en forme de corne et deux mains crispées.Maison n° 78 : Appuyé sur une construction moderne, un beau calvaire repose sur un socle de calcaire élégamment dessiné : deux pilastres à entablement classique supportent un frontontriangulaire sur lequel on peut lire « eCCe reDeMptor : CoLe » (1780), « Voici le Rédempteur : honore-le ». Le château de Crèvecoeur était un vaste bâtiment de style renaissance mosane, d’une belle alternance de calcaire et de briques, avec trois ailes flanquées de deux tours carrées et de fossés. La façade du bâtiment central était orientée vers le sud. Une chapelle se trouvait dans la tour nord-ouest, mais elle disparaîtra avec l’écroulement de la tour lors d’un ouragan en 1876. Hélas, avec les années, le château s’est peu à peu fortement délabré et a été extérieurement grandement diminué. Il ne reste aujourd’hui qu’une tour amputée de son joli clocheton bulbeux et une partie des ailes est et nord. C’est Servais Jacob, fils de Jacob de Goer, dont il retient le prénom comme nom de famille, époux de Marguerite de Merkelbach, qui fait construire cette maison dont on conserve la première mention en 1568. Les descendants vendront le bien à Guillaume de Caldenbourg en 1632. Mais la maison est dans un état lamentable et, en 1642, le propriétaire édifie le nouveau château. Guillaume de Caldenbourg obtient ensuite du roi d’Espagne, en 1643, que sa propriété soit reconnue comme fief de la cour de Brabant. Il devient dès lors Seigneur de Crèvecoeur. A la mort de celui-ci, puis de son épouse, les biens sont cédés à son gendre Robert comte d’Aspremont et baron de Linden. Celui-ci, le 31 janvier 1656, est installé comme Seigneur de la Franchise et des Hauts Bans de Herve. En 1789, le château abrite encore vingt personnes ! Enfin, le domaine passe aux barons de Lamberts, puis aux barons de Séjournet. Dans la suite, la ferme puis le château sont donnés en location. En 1885, le comte d’Auxy vend la propriété à la famille Ernotte qui la convertit en ferme. L’histoire castrale est terminée ! Ajoutons pour la petite histoire qu’à la fin du18ème siècle, l’abbé Louis Lejeune composa plusieurs petites pièces de théâtredont, le 11 mars 1877, « Le Spectre de Crèvecoeur », un opéra en cinq actes.
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