Voici l'histoire de cet arbre mémorable et remarquable trône tel un palladium sur la plus belle place du village, témoin de la sauvegarde des libertés communales acquises lors de l’affranchissement de la ville neuve à la loi de Beaumont en 1258. La tradition a toujours voulu qu’on l’appelle « TILLEUL » alors qu’en réalité il s’agit d’un orme gigantesque.
Le jour de la Pentecôte 1259, les habitants du nouveau village furent convoqués au son de la cloche pour élire le premier corps administratif de la cité. Après avoir proclamé les élus et les avoir applaudis, l’assistance se dirigea en rangs serrés vers la chapelle pour rendre grâce à Dieu en chantant la messe de saint Jean-Baptiste. Pour commémorer cet événement, on planta aux quatre coins de la place un orme. Le dernier, de taille gigantesque existe toujours. La photo, prise de Launoye vers 1875, nous montre l’arbre à moitié sec.
Il se dressait approximativement à l’emplacement du logement de l’école communale sur une petite élévation de terrain. Les enfants prenaient leurs ébats sous sa ramure. Des trous remplis de nids d’oiseaux étaient visibles tout au long de ses branches. Sa base avait été plus d’une fois rongée par le feu. Il penchait. Une branche s’étendait au loin en direction de la maison Jacmin.
Il tomba vers la fin de la récréation du matin le 8 février 1877 à la suite de violents coups de vent (les classes qui existent à l’heure actuelle ne furent construites qu’après sa chute vers 1882 et l’enseignement se donnait alors au n°2, maison qui appartient à la famille Gigi. C’était un jour d’enterrement. Quand les gens du haut du village remontèrent, la masse de son branchage leur barrait la route. Il fut vendu. C’est un nommé Joseph Barthélémy qui acheta les branches. On en a fait des bois de lit et jusqu’à des pipes. C’est Monsieur Lambiotte de Marbehan qui acheta le tronc. La base de celui-ci était complètement pourrie à l’intérieur. On l’affranchit à 1 mètre et à 5 mètres. Il fallut souder l’une à l’autre deux lames de scies de bûcheron. Monsieur Lambiotte fit creuser l’intérieur par Monsieur Joseph Duspeaux, charpentier à Harinsart qui y aménagea une banquette où six personnes peuvent prendre place assise. Il fut ensuite transféré dans le parc situé derrière le siège de la société Lambiotte à Bruxelles. Il fut aménagé en pavillon et recouvert de lierre. Il servait de refuge aux enfants de la famille et on y servait le vin d’honneur aux invités. La firme le présenta aux Expositions de Bruxelles en 1880 et d’Anvers en 1900.
Après la guerre de 14-18, un membre de l’administration communale entra en rapport avec la maison Lambiotte. Celle-ci offrit de rendre à Gérouville son tronc historique. Le 22 avril 1922, un budget de 1400 francs fut voté pour couvrir les frais de transport de l’arbre et son installation sur la place. Messieurs Lalande Alphonse et Elie, transporteurs de bois le ramenèrent de la gare de Bellefontaine. On lui construisit en bordure de la route le même socle de béton qu’il avait à Bruxelles. Ainsi l’orme antique est rentré au village qui l’a vu se développer et prospérer à travers les âges depuis le Moyen-Age jusqu’à l’époque contemporaine.
Il a donc connu tous les habitants, partageant leurs joies, leurs peines pendant les épreuves. Que d’événements il pourrait nous raconter, que de souvenirs n’a-t-il pas emmagasinés tout au long des siècles !
Source : Fascicule des Journées du Patrimoine 2005 Qualité-village-Gérouville.
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